Les glucides, autrement appelés les sucres, ont un rôle énergétique important. Ils sont présents dans la majorité des aliments végétaux. Ils fournissent de l’énergie à notre corps et nous permettent de contracter nos muscles ou de penser. Les recommandations internationales sont de privilégier les glucides complexes autrement dit les féculents, si possibles complets, et de limiter les apports en produits contenants du sucre ajouté.
Les produits sucrés sont considérés comment n’ayant aucun intérêt nutritionnel mais un intérêt plaisir très important.
Pour la population adulte, les apports en glucides devraient être limités à 100g hors lactose et galactose et les apports en sucres ajoutés devraient être limités à 25 g par jour.
Cependant, malgré ce manque d’intérêt métabolique du sucre ajouté, parfois, nous avons furieusement besoin de produits sucrés. Notre corps nous demande ces aliments. Nous allons voir dans les prochaines lignes, les dérèglements métaboliques qui peuvent créer cet état de manque. Nous allons voir aussi les quelques petits ajustements alimentaires qui parfois suffisent à réduire ces envies de sucre.
Manque de chrome
Le chrome est un oligo-élément vital pour le corps humain. Il est essentiel pour le métabolisme du sucre chez l’être humain. Une déficience en chrome peut affecter l’insuline et limiter ses capacités à réguler le niveau de sucre dans l’organisme. Le Chrome facilite l’assimilation des glucides par les cellules et permet donc la régulation du taux d’insuline dans le sang. Autrement dit, le chrome permet la stabilisation du taux de sucre dans le sang.
Nos besoins journaliers en chrome sont de 60 à 65 microgrammes (µg). Or nous n’en absorbons guère plus de 40 µg en temps normal. De plus, le stress augmente nos besoins.
Une étude publiée en 2005 dans le “Journal of Psychiatric Practice” [1] montre qu’un apport suffisant en chrome diminuerait les grignotages compulsifs sucrés, notamment lors de coups de blues, des moments de fatigue en fin d’après-midi et lors du syndrome prémenstruel.
Les résultats de cette étude suggèrent que le chrome agit sur les envies de glucides et la régulation de l’appétit chez les patients déprimés et que 600 μg de chrome élémentaire peuvent être bénéfiques pour les patients souffrant de dépression atypique qui ont également des envies sévères de glucides.
Les aliments les plus riches en chrome sont : la levure de bière (220 µg / 100 g), les noix du brésil (100 µg / 100 g), le germe de blé (70 µg / 100 g ), les brocolis (21 µg / 100 g), les haricots verts, les pommes de terre (27 µg / 100 g), les farine de blé complètes (21 µg / 100 g ), les céréales à grains entiers, les champignons (21 µg / 100 g)…
La supplémentation n’apporte rien pour les personnes qui ne sont pas carencées en chrome mais si vous avez de fortes envies de sucre, ça vaut le coup de faire attention à cet oligo-élément. [2]
Dysbiose intestinale
De plus en plus de recherches montrent que les centaines d’espèces de bactéries présentes dans notre intestin assument un certain nombre de rôles en lien avec nos propres cellules. Ce microbiote peut être façonné par ce que nous mangeons et par les médicaments que nous prenons (les antibiotiques). Et si ces cellules nous rendaient la pareille et nous disaient aussi quoi manger ?
Une forte consommation en sucre peut créer une dysbiose intestinale, c’est ce que certaines recherches ont montrées [3]. Cependant, la majorité de ces recherches sur le microbiote ont été faites sur des rats. Chez eux, les régimes riches en sucre induisent une dysbiose du microbiote intestinal, une inflammation intestinale ainsi qu’une augmentation de la masse grasse corporelle.
La composition du microbiote intestinal chez les rats diffère fortement entre les sujets en surpoids et les sujets ayant un poids normal. Certaines bactéries intestinales appelées les firmicutes, sont plus présentes chez les rats en surpoids. Les recherches cliniques ont montrés que l’on peut induire cette composition déséquilibrée de la flore intestinale en changeant l’alimentation du rat (en lui donnant une alimentation riche en sucre avec ou sans une alimentation riche en gras).
Lorsque l’on compare la composition du microbiote chez l’humain, le résultat est identique. En effet, chez les personnes obèses, les firmicutes dominent très largement.
Les firmicutes ont notamment une meilleure capacité à digérer les glucides complexes. Elles extraient donc davantage de calories des aliments, entraînant de fait une augmentation de la masse graisseuse. Il n’existe à ce jour, aucune étude sur le lien de cause à effet chez l’humain [4].
Mais si une forte consommation de sucre peut créer une dysbiose de la flore intestinale, et si une dysbiose provoquait aussi de fortes envies de sucre ? C’est ce qu’à l’air de conclure cet essai [5] :
« Un conflit évolutif entre l’hôte et le microbiote peut entraîner des fringales et des conflits cognitifs en ce qui concerne le choix alimentaire.
La maîtrise de soi sur les choix alimentaires peut être en partie une question de suppression des signaux microbiens qui proviennent de l’intestin. Les goûts acquis peuvent être dus à l’acquisition de bactéries intestinales qui bénéficient de ces aliments. Une façon de changer le comportement alimentaire est d’intervenir dans la composition de notre microbiote […]
La structure du microbiote change radicalement dans les 24 heures suivant le changement de régime alimentaire, ou l’administration d’antibiotiques. »
Autrement dit, une consommation élevée de sucre changerait notre flore intestinale en permettant le développement de certaines bactéries appréciant particulièrement le sucre. Ces bactéries, en se développant, envoient des signaux au cerveau via le système nerveux central demandant encore plus de sucre ! Chez moi, on appelle ça un cercle vicieux.
Déficit en sérotonine
La sérotonine est un neurotransmetteur qui joue beaucoup de rôles, dans la régulation de l’humeur notamment, mais aussi dans la satiété. Elle modère notre appétit et nos envies de sucre. Une déficience en sérotonine peut créer des fringales à répétition et des compulsions sucrées, notamment durant les syndromes prémenstruels.
La carence de sérotonine peur être causée par :
- Une dysbiose : près de 95% de notre sérotonine est synthétisée dans l’intestin.
- Un manque d’apport en tryptophane : L’acide aminé du tryptophane est un précurseur de la sérotonine, c’est-à-dire qu’on synthétise la sérotonine à partir du tryptophane. Les recommandations nutritionnelles sont de 500 à 2000mg de tryptophane par jour pour un adulte.
- Une dérivation du tryptophane à cause d’une inflammation : ce qui oblige l’organisme à produire une autre molécule à partir du tryptophane et donc moins de sérotonine.
- Une dérivation du tryptophane à cause du stress : l’augmentation de la sécrétion de cortisol réduit la capacité de l’organisme à produire de la sérotonine à partir du tryptophane.
- Une carence en d’autres micronutriments.
Une carence en tryptophane alimentaire peut favoriser les troubles de l’humeur [6]. En aidant à la synthèse de sérotonine, il a été démontré un effet positif du tryptophane dans le traitement de la dépression par exemple.
Le tryptophane se trouve majoritairement dans les produits d’origines végétales car les animaux ne peuvent le synthétiser. Aliments végétaux riches en tryptophane : Riz complet, Protéines de soja, Cacahuètes, Légumineuses, Chocolat, Banane, Amandes, Noix de cajou, Levure de bière…
Gestion des émotions
Parfois aussi les envies de sucre ne sont pas liées à un dérèglement métabolique mais à un besoin émotionnel. Certains d’entre nous avons appris à gérer nos émotions avec les aliments.
Manger un aliment sucré permet la libération de dopamine dans le cerveau, ce qui va permettre de limiter une sensation désagréable liée à une émotion négative. Dans une étude menée aux Etats-Unis, près de 38% des adultes disent qu’ils mangent plus quand ils sont stressés ou tristes [7]. Cette étude montre aussi que cette façon de gérer ses émotions et son stress s’apprends dès l’enfance.
C’est en leur apprenant une alimentation que l’on appelle « émotionnelle », que l’on encourage les enfants à la suralimentation dès le plus jeune âge. Les enfants dont les parents utilisaient souvent de la nourriture pour les apaiser affichaient une alimentation de plus en plus liée aux émotions au fil du temps.
Cette façon de gérer ses émotions par la nourriture est apprise dans l’enfance et n’est pas hérité. Ce qui suggère que ça peut aussi être évité. Comme solution possible, nous pouvons faire de la prévention, et aider les parents à trouver d’autres stratégies pour réconforter leur enfant en détresse de façon saine sans avoir besoin de la nourriture.
Dans le cas où vous vous rendez compte que vous avez aussi préférentiellement cette façon de gérer vos émotions par la nourriture, il est important que vous sachiez que ce n’est pas une fatalité. Il est possible peu à peu de changer et d’évoluer vers une alimentation moins impactée par vos émotions. Pour cela, vous pouvez vous renseigner plus sur l’alimentation émotionnelle afin de prendre conscience des mécanismes, qui, jusque-là, étaient inconscients pour vous. Ce travail peut s’avérer difficile seul-e, c’est pourquoi un suivi psychologique et psychothérapeutique pourra s’avérer nécessaire. Sortir de ses habitudes prises depuis l’enfance ou l’adolescence demande du temps, de l’auto-compassion et parfois, un suivi psychologique.
Si vous voulez un suivi pour ce type de difficulté, il est nécessaire de prendre rendez-vous avec un-e professionnel-le de santé, psychologue et psychothérapeute spécialisé-e dans ce type de problématique.
Etant aussi diététicienne, je m’assurerais que votre alimentation est complète et que vous ne souffrez pas d’une des autres carences explicitées ci-dessus.
Je propose des consultations de psycho-nutrition en ligne si vous le souhaitez. Vous pouvez prendre rendez-vous avec moi sur Docorga.
Bibliographie :
[1]https://journals.lww.com/practicalpsychiatry/Fulltext/2005/09000/A_Double_Blind,_Placebo_Controlled,_Exploratory.4.aspx
[2]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24293356/
[3]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5428886/
[4] LeclercM., Juste C., Blottière H. et J Doré. 2007. Lemicrobiote intestinal : un universméconnu. Cahiers de Nutrition et de Diététique 42 :2S22-2S27
Gérard P. et Bernalier-Donadille A. 2007. Les fonctionsmajeures du microbiote intestinal. Cahiers de Nutrition et de Diététique 42 :2S28-2S44
Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI. 2006.Microbial ecology: human gutmicrobes associatedwith obesity.Nature. 444 :1022-3
Bäckhed F, Ding H,Wang T, Hooper LV, Koh GY,Nagy A, Semenkovich CF, Gordon JI. 2004. The gut microbiota as an environmental factor that regulates fat storage. ProcNatl Acad Sci U S A.Nov 2;101(44):15718-23.
[5]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4270213/
[6]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25858202/
[7]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9430135/