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Le trouble anxieux généralisé

4 janvier 2022

Dans cet article, je vous propose à la lecture une partie de mon mémoire de validation du module 2 de l’AFTCC. Il traite du cadre théorique autour du fonctionnement et du traitement du trouble anxieux généralisé (TAG) en Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC). Le TAG est un des 6 sous-types de troubles anxieux que j’ai détaillé dans l’article connaitre les troubles anxieux.
Ce texte n’est pas exhaustifs quant aux nombreuses conceptualisations de ce trouble et il ne fait qu’effleurer les axes de la psychothérapie le concernant. De plus, il est très général et ne permet pas de constater à quel point chaque prise en charge est différente. La mise en place du travail thérapeutique se fait en collaboration et démarre toujours de la demande du/de la patient-e, et d’une analyse pointue de son fonctionnement (appelé analyse fonctionnelle).

Le Trouble Anxieux Généralisé (TAG) est très répandu, il touche environ 5% de la population générale. Plus particulièrement les femmes qui sont touchées deux à trois fois plus fréquemment (Baxter AJ, 2012). Selon le DSM-5, sa caractéristique centrale est une anxiété et des inquiétudes excessives et incontrôlables au sujet de multiples situations et est associé à des symptômes somatiques tels que : fatigabilité, tension musculaire, fébrilité, difficultés de concentration et perturbations du sommeil. L’âge du début est soit à la fin de l’adolescence/début de la vingtaine ou dans la trentaine/quarantaine (Lijster JM, 2016). Il s’agit d’une maladie mal connue et mal dépistée car seulement 1/3 des patients seront traités de façon adéquate.

Le TAG présente une comorbidité jusqu’à 80 % des cas (Ruscio AM, 2017) en particulier avec la dépression, le trouble panique avec ou sans agoraphobie, le trouble de l’anxiété sociale, et les troubles de la personnalité. La forte anxiété ayant des répercutions somatiques, le TAG est aussi associé à des troubles douloureux comme les problèmes cardiovasculaires et gastriques ou encore l’hypertension. Dans un grand nombre de cas, la douleur est la raison de consultation médicale et non l’anxiété (Michaelides A, 2019). Il prend le plus souvent la forme d’une maladie chronique qui fluctue dans le temps. Une anxiété accrue entraîne une augmentation de la douleur perçue et une diminution de la tolérance à la douleur.

La conceptualisation actuelle de l’étiologie des troubles anxieux comprend une interaction de facteurs psychosociaux (vécu infantile, stress, traumatisme…) et une vulnérabilité génétique, qui se manifeste par des dysfonctionnements neurobiologiques et neuropsychologiques.

Il existe plusieurs modèles de compréhension en TCC de ce trouble. Le plus connu est le modèle de l’intolérance à l’incertitude de Dugas, Ladouceur et collègues (2004).

modélisation du TAG

Dans le TAG, l’inquiétude prend des proportions extrêmes. Le sujet n’accepte pas les incertitudes inévitables, qui font partie de la condition humaine. Cette attitude accentue les inquiétudes et l’anxiété et conduit à un désir exagéré de contrôle et de réassurance. Dugas, Ladouceur et collègues (2004) ciblent donc 4 facteurs d’entretiens qui sont l’intolérance à l’incertitude, les croyances fausses face aux inquiétudes, l’orientation inefficace face aux problèmes et l’évitement cognitif. La principale conséquence de ces croyances consiste à empêcher la personne de prendre des mesures concrètes et efficaces pour diminuer ses inquiétudes.

Selon le modèle cognitivo-comportemental du TAG de Beck (1985), l’anxiété est une humeur caractérisée par un affect négatif, incluant des symptômes somatiques de tension et la présence d’une appréhension à l’égard d’un danger futur ou d’un malheur éventuel. L’anxiété a une fonction adaptative dans l’évolution de l’espèce humaine. Face à une menace réelle, il est normal pour l’être humain de réagir avec de l’anxiété. C’est précisément ce qui le protège. Ce moment précède souvent la réaction qui va être une défense active, une fuite ou bien une inhibition de réponse. Le problème avec le trouble anxieux généralisé est que cette menace n’est pas réelle mais les réactions somatiques et psychologiques sont bien réelles. Certains individus ont une prédisposition génétique à l’activation des réponses d’anxiété et à la perception d’une menace. Le problème est la chronicité de l’anxiété. Cela va être favorisé par des biais dans le traitement de l’information : hypervigilance, tachycardie, arrêt de la pensée, catastrophisassions, intolérance à l’incertitude.

Les distorsions cognitives vont aussi amplifier et maintenir l’anxiété (dramatisation, étiquetage, pensée dichotomique, généralisation, croyances dysfonctionnelles…). De plus, les processus métacognitifs sont plus susceptibles d’être activés si les individus ont des croyances négatives sur l’expérience émotionnelle (Leahy, 2020).

Dans la plupart des cas, le traitement médicamenteux et la TCC peuvent améliorer considérablement la qualité de vie des patients atteints de TAG (Bandelow B, 2015). Au niveau du traitement pharmacologique, il existe plusieurs choix de molécules efficaces pour le trouble anxieux généralisé dans toutes les classes de médicaments. L’échec du traitement pharmacologique initial pourrait ne pas être une raison d’abandonner une stratégie de traitement pharmacologique (Slee A, 2019). Les benzodiazépines, les antidépresseurs, et certains antipsychotiques peuvent être utilisés pour le TAG. La TCC est aussi efficace pour traiter le trouble anxieux généralisé (Hall J, 2016). L’anxiété a un caractère chronique et, à l’arrêt des médicaments, un taux élevé de rechutes. Les alternatives psychologiques doivent donc être proposé et associés.

Au début du suivi, il est important d’expliquer au patient que le respect des règles hygiéno-diététiques simples influence aussi les symptômes du TAG.  Par exemple, la consommation d’alcool, de cigarette ou de café peut empirer l’anxiété. L’augmentation de la pratique sportive semble avoir un effet bénéfique sur les symptômes (Aylett, 2018). En revanche, l’exercice et ces règles hygiéno-diététiques ne peuvent être recommandés que comme traitement d’appoint aux traitements standards.

Le travail émotionnel est un pilier du traitement du Trouble Anxieux Généralisé. Cela se fait par la pratique de la relaxation. Sa pratique vise à réduire l’hyperactivité du système nerveux végétatif. Cependant, si elle est utilisée sans intervention cognitive et comportementale associée elle a un effet limité (Cuijpers P, 2014). Les principales relaxations à proposer sont le training autogène de Shultz, la relaxation musculaire progressive de Jacobson ou encore le biofeed-back.
Sur le plan comportemental peut être proposé une prévention des réponses de vérifications, et une modification des comportements d’évitement qui permet de s’ajuster aux situations stressantes (Borjovek et al, 1990). On peut travailler sur l’augmentation de la tolérance à l’incertitude par des expositions et l’enseignement de la résolution de problèmes pour les problèmes actuels et récurrents.
Sur le plan cognitif peut être proposé de l’auto-observation des inquiétudes, une réévaluation de l’utilité de s’inquiéter, de la restructuration cognitive des pensées dysfonctionnelles, des expositions en imagination et écrites ou encore la modification des croyances concernant les problèmes.

stress relax

De plus en plus de programmes de méditation basés sur la pleine conscience (MBSR-MBCT) incluent les personnes atteintes d’un trouble anxieux généralisé et montrent une amélioration significative de l’anxiété (Gahari S, 2020). Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer l’efficacité des interventions basées sur la pleine conscience par rapport aux traitements de choix actuels. Cela afin de clarifier la contribution des processus de pleine conscience et d’acceptation aux résultats observés.

A la fin de la prise en charge, un volet prévention de la rechute est primordial. Il sera par exemple important d’amener le patient à normaliser la présence de symptômes occasionnels, d’identifier les facteurs de risque à la rechute et d’identifier les stratégies de maintien des acquis. Le patient doit être prévenu qu’il est important d’éviter ou de réduire les rechutes à long terme, qui sont quasi-constantes dans le TAG.

Vous l’avez compris, des recherches sont encore nécessaire afin de mieux connaitre ce trouble et son traitement. Avant d’envisager la prise en charge d’une problématique, une attention particulière doit systématiquement cibler la question des diagnostics différentiels car il y a la possibilité que les difficultés soit causée par autre chose, ou bien qu’une comorbidité soit prioritaire dans le traitement (exemple classique de la dépression).
C’est pourquoi ils doivent être pris en charge par un professionnel de santé formé à repérer les différents troubles et qui peut vous réorienter le cas échéant (médecin généraliste, psychiatre ou psychologue). Si vous vous sentez concerné par ce troubles et souhaitez aller mieux, je propose des prises en charge en Thérapie Cognitivo-Comportementale et suis en cours de formation à l’AFTCC. Vous pouvez trouver sur mon site l’ensemble des informations pour prendre rendez-vous avec moi.

Bibliographie :

  • Aylett E, Small N, Bower P. Exercise in the treatment of clinical anxiety in general practice – a systematic review and meta-analysis. BMC Health Serv Res. 2018 Jul 16;18(1):559. doi: 10.1186/s12913-018-3313-5. PMID: 30012142; PMCID: PMC6048763.
  • Baxter AJ, Scott KM, Vos T, Whiteford HA. Global prevalence of anxiety disorders: a systematic review and meta-regression. Psychol Med. 2013 May;43(5):897-910. doi: 10.1017/S003329171200147X. Epub 2012 Jul 10. PMID: 22781489
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